Le Rouge et le Noir,  roman de Stendhal, est publié pour la première fois à Paris chez Levasseur le 13 novembre 1830. 

Résumé du roman 

Le roman s’ouvre sur la petite ville de Verrières dont le narra­teur présente les deux principales figures : le maire. M. de Rénal, et le curé Chélan, un prêtre droit et généreux menacé par la Con­grégation, mais également le vieux Sorel qui travaille dans une scierie. À l'inverse de ses autres fils, Julien n'entend nullement devenir bûcheron : le jeune homme, frêle et secret, préfère s’ins­truire à la lecture du Mémorial de Sainte-Hélène. À la sortie du séminaire, il est engagé comme précepteur par M. de Rénal et sa timidité, ainsi que ses manières délicates, lui valent l’affection de la belle Mme de Rénal, pour laquelle Julien éprouve une grande admiration. Or, lorsque celle-ci veut lui offrir un présent, il refuse en manifestant un esprit fier, nourri de l’illustre exemple napoléo­nien, qui attache plus encore la jeune femme. Julien attise égale­ment la passion d’Élisa, la femme de chambre des Rénal, dont il dédaigne les avances, et devient bientôt un jeune homme à la mode qui cristallise l’attention de Verrières où des rumeurs commencent à circuler.

C’est alors que M. de Rénal reçoit une lettre anonyme dénon­çant les relations troubles que Julien entretient avec sa femme. Sans pour autant leur accorder crédit, il décide en accord avec son épouse, effrayée par ses propres sentiments, d’éloigner le jeune homme avec la complicité de Chélan qui envoie Julien au grand séminaire de Besançon ; il rend, avant de partir, une der­nière visite à Mme de Rénal si émue qu’elle lui paraît froide et distante. L’arrivée au séminaire est effrayante ; l’aspect sinistre des lieux, l'accueil rogue du directeur terrifient Julien qui tombe en syncope. 11 s'habitue pourtant peu à peu au climat d’hypo­crisie et d’humiliations et se trouve bientôt mêlé à d'obscures manœuvres qui le rapprochent d’un grand seigneur parisien, le marquis de La Mole.

Sur la recommandation de l’abbé Pirard, il devient secrétaire du marquis. Il rend alors à nouveau visite à Mme de Rénal qui, surprise, le cache dans sa chambre. De retour auprès du marquis, Julien conquiert rapidement par son intelligence l’estime de son maître et, grâce à un duel gagné, se hisse dans les cercles mon­dains en laissant accroire une rumeur qui en fait le fils naturel d’un grand homme ami du marquis. Par la grâce de cette nou­velle stature, conjuguée à un naturel impulsif et ombrageux, il éveille l’intérêt de la fille de son protecteur, Mathilde, qui, piquée par l’apparente indifférence du jeune homme, s’échauffe jusqu’à l’attirer dans sa chambre et s’offrir à lui. Mais, alors que Julien demeure d'abord distant, le dégoût affiché par Mathilde attise dès lors son désir et, rendu fou de rage par sa morgue, il manque de la tuer : acte violent et passionnel qui suscite l’admiration de la jeune femme éprise de sentiments sublimes.

Cependant, alors que Julien oscille entre l'attrait et la distance, Mathilde a décidé de l’épouser afin de s'attacher un homme selon ses vœux. Après une nouvelle nuit passée ensemble, Julien est de nouveau lassé par l’orgueil de son amante et accepte avec joie une mission périlleuse auprès d’un haut personnage vivant à l’étranger, au sujet d’une conspiration de grande envergure. Lors de son voyage, il retrouve à Strasbourg un ancien ami qui lui conseille une marche à suivre pour s’élever dans la société. Aussitôt de retour à Paris, Julien s’attache à la maréchale de Fervaques, dont l’oncle dispose de toutes les charges ecclésiastiques du royaume, alors que Mathilde. qui avait projeté de s’enfuir avec lui, découvre qu’elle est enceinte et l’avoue à son père. Celui-ci, sa première colère passée, dote somptueusement le jeune homme qu’il fait nommer lieutenant des hussards. Par ailleurs, il s'enquiert de sa moralité auprès de Mme de Rénal qui, sous la dictée de son confesseur, est contrainte de charger Julien. Dès lors, le marquis de La Mole est persuadé qu’il a séduit sa fille uniquement dans le but d’accéder à un rang prestigieux et il en informe celle-ci.

Découvrant l’accusation de Mme de Rénal, Julien part pour Verrières et, durant l’office, tire deux coups de pistolet sur elle.

Arrêté et mis en prison, il écrit à Mathilde qu’il connaît le sort qui l’attend, même si Mme de Rénal est sauve. Il reçoit ensuite la visite émue du P. Chélan, puis de Mathilde qui met tout en œuvre pour le sauver, enfin de sa victime qui lui pardonne et veut tenter d’obtenir son acquittement. Julien demande seulement qu’on le laisse en repos, affrontant la mort prochaine avec séré­nité, effrayé seulement par l’image de son corps en décomposi­tion. Lors du procès, il reçoit calmement le verdict fatal, refuse de faire appel et fait promettre à Mme de Rénal de ne pas se sui­cider. Il marche alors avec dignité vers la mort et se trouve enterré dans une grotte où Mathilde, à l’instar de Marguerite de Navarre, prend la tête de son amant qu’elle conserve avec elle en suivant le cortège funèbre. Mme de Rénal meurt trois jours plus tard.

Le rouge et le noir, analyse du roman

► La critique sociale.

D’emblée le titre semble poser une énigme au lecteur : le rouge et le noir, ce sont les couleurs emblématiques de l’armée et du clergé, la fermeture de la première aux roturiers n’offrant que le second état pour tout désir d’élévation sociale, mais ce sont aussi celles des partis opposés, républicains et conservateurs, et enfin une allusion à la roulette. Nul besoin de choisir entre ces diverses interprétations : sans doute est-il plus fécond de les embrasser afin de saisir la critique radicale de la société de la Restauration, figée dans son immobilisme sclérosant depuis la chute de l’Empe­reur, n’offrant pour toute issue que le hasard de la cléricature.

Par ailleurs, la polarité énoncée dès le titre s’affiche clairement dans le roman, qui énonce le clivage hermétique entre les puis­sants et ceux, comme Julien, d’origine plus modeste, qui n’ont pour eux que la violence de leurs désirs et sont ainsi contraints de louvoyer entre les fourches caudines de la feinte et de l’ambition. Par le truchement de son personnage, Stendhal dénonce ainsi la mesquinerie d’une société (qu’elle soit provinciale ou parisienne) qui contraste vivement avec l’épopée napoléonienne et exerce une pression sur l’individu qui, par sa révolte, annonce l’action révo­lutionnaire qui commence à agiter une certaine jeunesse (rappe­lons que Stendhal corrigea les épreuves du roman au beau milieu de la révolution de 1830). Il n’est dès lors pas surprenant qu’une telle société s’efforce d’éradiquer des hommes tels que Julien, qui constituent néanmoins ses propres rejetons. Ici apparaît une satire plus latente mais non moins percutante du Rouge, le gaspil­lage d’énergies d’une société qui édicté des buts (l’élévation sociale) tout en en interdisant l’accès par frilosité, sanctionnant sans appel les incartades, le trône trouvant d’ailleurs dans l’autel un allié convaincu.

► L'esthétique réaliste 

Cette évocation d’un individu en butte avec la société atteste ainsi un but politique affiché qui ressortit à la volonté expresse d’écrire la réalité historique contemporaine. Le ton de la chro­nique, familier à Stendhal, se fonde d’ailleurs sur un fait réel : le procès aux assises de l’Isère d’un certain Berthet qui constitue le tremplin originel du texte. En outre, l’actualité historique, par- delà le climat révolutionnaire de 1830, est avérée par les intrigues de l’abbé Pirard, qui constituent une allusion transparente à cel­les de Polignac à l’époque. Sans pour autant accoler au Rouge l’étiquette « réaliste », il convient de relever la violence d’un roman mettant au jour tout à la fois les rouages d’une société et l'âme d’un individu qui apparaît comme un monstre, héros d’un livre que Balzac rangera dans « l’école du désenchantement ». Si le roman, pour paraphraser la fameuse affirmation de Stendhal, est un miroir que l’on promène le long des chemins, alors la réalité la plus crue s’y dévoile, manifestant le cloisonnement mortifère d'un monde étouffant les aspirations et les désirs du sujet, vouant ainsi à la mort les personnages.

►  Julien Sorel entre ambition et valeurs 

Choisissant le clergé en dépit d’une impossible carrière mili­taire, Julien apparaît de prime abord comme un héros classique du roman de formation. Rien ne manque aux ingrédients de ce type littéraire : l’émotion amoureuse, la formation initiale et jusqu’aux conseils avisés de l’ami fidèle ; en outre, le caractère du héros en fait le type de l'homme énergique, animé de passions contradic­toires qui en assurent l’épaisseur psychologique, nourri par le sen­timent de son infériorité sociale qui sert d’aiguillon à sa vanité et à son ambition. Toutefois, on saisit clairement que le moi ici s’af­fronte incessamment à l’Autre (personnage, valeurs ou société) et qu’il entend se fonder lui-même en réaction à ce qui l’entoure. De fait, il semble bien que le roman dépasse alors le cadre restrictif du Bildungsroman dans la mort de Julien qui le tire du côté du seul sublime encore accessible. Comme pour Fabrice dans La Char­treuse, la prison fonctionne comme conversion, révélation de soi à soi pour élever finalement Julien au-dessus d’un Rastignac par l'intransigeance de sa conduite, c’est-à-dire par la fidélité à une morale - ou à une image de lui-même - qui le pose définitivement en marge, dans un dehors absolu qui se lit comme un refus et lui permet alors d’accéder, par la mort, à la légende, passage accré­dité par le geste final de Mathilde.

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