DÉFINITION DU CADRAGE PAR MARCEL MARTIN 

 

A l’origine, lorsque caméra était fixe et enregistrait le point de vue du « monsieur de l’orchestre », le cadrage n’avait aucune réalité spécifique puisqu’il se bornait à délimiter un espace correspondant très exactement à l’ouverture d’une scène de théâtre à l’italienne.

Progressivement, on s’est aperçu qu’on pouvait :

  1. laisser certains éléments de l’action en dehors du cadre : c’est sur les visages congestionnés de respectables messieurs que l’on suit les péri­péties d’un strip-tease (L’Opinion publique) ;
  2. montrer seulement un détail significatif ou symbolique : gros plans des bouches de bourgeois gloutons (Boule de Suif) ; gros plan des bottes d’un policier pour signifier l’oppression tzariste (La Mère) ;
  3. composer arbitrairement et de façon peu naturelle le contenu du cadre (d’où symbole) : désespérée par l’infidélité de l’homme qu’elle aime, une jeune femme, étendue à plat-ventre sur son lit, le visage en larmes, est filmée en un long plan fixe de telle façon que la tige horizon­tale du châssis lui barre le front, symbolisant avec force le drame qui l’obsède (Folies de femmes) ;
  4. modifier le point de vue normal du spectateur (d’où symbole encore) : un cadrage penché exprime l’inquiétude d’un homme qui surprend une conversation entre sa fiancée et un individu louche (Feu Mathias Pascal) ;
  5. jouer sur la troisième dimension de l’espace (la profondeur de champ) pour en tirer des effets spectaculaires ou dramatiques : un gangster aux aguets s’avance lentement vers la caméra jusqu’à ce que son visage soit en très gros plan ( The Musketeers of Pig Alley).

On voit, par ces quelques exemples, à quelle extraordinaire transfor­mation et interprétation de la réalité se livre le cinéma au moyen d’un facteur de création aussi élémentaire que le cadrage.

Marcel Martin, Le langage cinématographique, éd. du Cerf, 1962.

 

 RECHERCHES ET EXPOSÉS SUR LA NOTION DE CADRAGE :

 

Lecture : Entretien avec Roland Barthes dans Cahiers Cinéma, n° 147, pp 23 et 25.

Exposé : La valeur dramatique du gros plan (objets, visages, etc.) chez Eisenstein.

Exposé : Valeur dramatique de la contre-plongée chez Orson Welles, dans Citizen Kane (1941) par exemple; de la profondeur de champ dans l'œuvre de ce même metteur en scène.