En 2008, le symbole de la mondialisation triomphante fut peut-être l’organisation des Jeux olympiques de Pékin. Non seulement toutes les nations étaient réunies autour de mêmes compétitions sportives, mais les téléspectateurs ont pu voir alors des images de Pékin, ville moderne, avec des magasins et galeries marchandes semblables à celles que l’on trouve dans les grandes capitales occidentales, et des passants portant le même type de vêtements et arborant les mêmes téléphones portables que partout ailleurs. Quelques jours seulement après la clôture des Jeux, un autre événement de portée mondiale allait secouer la planète. En septembre 2008, la crise financière qui avait débuté l’année précédente sur le marché immobilier américain, allait se propager sur toutes les places financières du monde : à la vitesse des réseaux électroniques qui relient toutes ces places de la planète…

Qu'est-ce que la mondialisation?

Dans un premier temps, la mondialisation peut se définir par l’unification partielle de la planète par l’économie, (des productions, du commerce, de la finance) par les moyens de transport et de communication dont le Web est le symbole. L’idée de mondialisation suggère que nous vivons tous dans un même monde unifié. Ou presque…

Le terme de « mondialisation » (ou globalization en anglais) s’est imposé justement au seuil des années 1990 pour désigner trois phénomènes majeurs :

– L’interdépendance économique liée à l’essor de firmes multinationales (comme Nike, Coca Cola, Nissan ou Apple), des productions transnationales comme les produits textiles, l’électronique ou certaines denrée alimentaires qui traversent les océans via des gigantesques containers (P. Rivoli, Les Aventures d’un tee-shirt dans l’économie mondialisée, 2007 ou M. Levinson, The Box, Comment le conteneur a changé le monde, 2011), des accords commerciaux internationaux développés dans le cadre du Gatt puis de l’OMC.

– La globalisation financière qui relie toutes les places financières du monde par la mise en place progressive aux cours des années 1980, d’un marché mondial des capitaux (D. Pilhon, Les Banques, acteurs de la Globalisation financière, 2006).

– La création du réseau Internet, qu’on appelait encore, au seuil des années 1990, les « autoroutes de l’information » (la première page « Web » voit le jour en 1990 justement). L’effondrement de l’URSS à la in des années 1989 était un autre symbole de cette mondialisation en marche. C’est la in de la guerre froide, mais aussi l’ouverture du marché à la Russie et au pays de l’Est. Dans les années 1990 et 2000 le mouvement de mondialisation s’est accentué avec l’essor du commerce mondial, l’ouverture de la Chine et la forte intégration d’autres pays émergents (Inde, Brésil, Afrique du sud, Russie) dans l’économie mondiale. La mise en place d’un début de gouvernance économique mondiale (instauration du G7 et G8, puis G20) participant aussi du mouvement général.

Brève histoire de la mondialisation

Comment en est-on arrivé là ?

Les historiens ont commencé à reconstruire l’histoire de ce mouvement de mondialisation de la planète qui s’est réalisé en sept étapes (J. Lévy, L’Invention du monde, 2008, L. Testot (dir.), Une Histoire du monde global, 2011).

Les premières diasporas

On pourrait faire remonter la mondialisation aux premières diasporas humaines qui, à partir du berceau africain, ont conquis tous les continents. On a longtemps pensé qu’une fois installées les populations sont restées confinées dans des isolats, séparés les uns des autres. Ce n’est qu’en partie vrai (ce fut le cas pour aborigènes d’Australie ou pour les amérindiens avant les découvertes européennes). Mais, depuis très longtemps, il y a eu des échanges à l’intérieur de continents. Ainsi, le même profil des Vénus de la préhistoire (petite statuette féminine) atteste de transferts culturels très ancien du Nord au Sud de l’Europe. De même on sait qu’à l’âge de bronze, l’ambre et les métaux circulaient déjà de l’Europe au Moyen-Orient.

Les premiers systèmes-mondes régionaux

Puis durant l’Antiquité, les grands empires ont réalisé des premières unifications régionales. Au premier siècle avant J.-C., Rome régnait sur le pourtour de la Méditerranée, la Chine avait réussi son unification continentale avec la fondation du premier empire en -221. Un « système-monde » indien avait été réalisé sous la dynastie impériale à partir de 322 avant J.-C. Ces premiers systèmes-mondes seront mis en contact pendant plusieurs siècles pour former un système afro-euro-asiatique via les routes de la soie.

Les grandes découvertes et conquêtes

À la Renaissance, la première vraie « mondialisation » débute, au sens strict de mise en connexion de tous les continents. La découverte des Amériques en 1492, et le tour du monde par Magellan en sont les symboles. Mais il ne faut pas oublier que ces contacts se sont accompagnés d’un pillage systématique des continents découverts, d’un transfert massif de techniques (notamment de la Chine vers l’Occident), puis d’une extermination ou mise en esclavage de certaines populations amérindiennes ou africaines. La mondialisation, c’est aussi cela.

Impérialisme et « première mondialisation »

Le XIXe siècle est celui la montée des impérialismes européens. La Grande Bretagne achève de conquérir le sous-continent indien et réalise un Commonwealth qui couvre quatre continents. La France étend son empire sur l’Afrique du Nord et l’Indochine. La Belgique, l’Allemagne mènent aussi une politique impériale active. Dans le même temps, les échanges commerciaux et financiers s’intensifient entre économies développées d’Europe et d’Amérique. Ces mouvements s’accompagnent de vastes mouvements de migrations internationales. Suzanne Berger a appelé « la première mondialisation » la période qui va de 1870 à 1914, durant laquelle les échanges internationaux sont supérieurs à ce qu’ils seront un demi-siècle plus tard. Rétraction. De 1914 à 1944, les deux guerres mondiales et la grande crise vont entraîner un mouvement de rétractation des échanges mondiaux. Rétractation liée aux guerres, mais aussi aux politiques protectionnistes des États.

Les deux blocs et les trois mondes

À partir de 1945, la mondialisation reprend sa marche. Un commerce mondial est alors centré sur l’Europe, les États-Unis et le Japon (la triade) auquel s’ajoute une division internationale du travail entre le Nord et le Sud. La guerre froide et la division du monde en deux blocs (capitaliste et socialiste) et un troisième monde (le tiers-monde) fixent le cadre de cette phase de la mondialisation. L’ère de la globalisation. Après 1990, on entre dans la phase actuelle de mondialisation dont les traits principaux ont été décrits au début de l’article : mondialisation de l’économie (commerce, production, finance), des communications (via notamment internet) et ouverture des marchés émergents (dont les ex-pays de l’Est et la Chine). Certains auteurs s’interrogent sur le fait de savoir s’il s’agit d’une « occidentalisation » du monde ; d’autres, au contraire, préfèrent parler d’asiatisassions, montrant qu’il existe un processus de montée en puissance de l’Asie.

Un monde en voie d’unification globale ?

Oui et non, car il faut prendre la mesure exacte de ce processus. Économiquement, il y a une interdépendance très forte du commerce, de la production (textile, électronique), dans une moindre mesure de l’énergie (pétrole), de la consommation alimentaire, (café, thé), mais aussi de la drogue… Financièrement, on constate une interdépendance des bourses mondiales et des dettes souveraines, des capitaux,… L’existence de firmes mondialisées (firmes globales) renforce le processus.

L’internationalisation des lux concerne aussi les lux de population : touristes (la disneylandisation du monde), les migrants (voir article migrations).

Une nouvelle géographie économique mondiale se dessine qui s’articule autour des mégapoles et de leurs satellites. Selon les échelles concernées – locale, régionale, nationale, internationale – la mondialisation peut se lire différemment. Certains la considèrent comme irréversible, d’autres non. Les uns y voient une extension redoutable du système capitaliste à l’échelle mondiale, les autres y lisent une occasion de redessiner les rapports de forces entre États et à l’intérieur des États, mais chacun s’accorde à dire qu’elle remet profondément en question les modèles économiques encore en valeur au siècle dernier.

En matière de mondialisation culturelle, toutes les thèses sont justes : celle de l’uniformisation des cultures comme celle de leur diversification, celles qui mettent l’accent sur l’hybridation et le métissage, tout comme celles qui insistent sur les replis identitaires et la création de nouveauté sui generis. Tout est vrai : cela dépend simplement des phénomènes pris en considération. De même qu’elle conduit à plus de pauvreté et plus de richesse, la mondialisation produit à la fois plus d’homogénéité et plus de diversité. Vu de loin, les sociétés tendent à converger vers des modes de vie similaires. Si l’on braque maintenant le projecteur au cœur des villes modernes, alors on voit grouiller la diversité des espèces culturelles : les intégristes religieux et les dandys cosmopolites, les cuisines épicées et les fast-foods, les musiques de tous genres, les foyers de culture scientifique et le marché florissant de la nouvelle sorcellerie (S. Latouche, L’Occidentalisation du monde, 2005 ; J.-L. Amselle, Logiques métisses, 1999 ; J. Tardif, J. Farchy, Les Enjeux de la mondialisation culturelle, 2006).

La fin de la mondialisation ? non, ses limites

Depuis quelques années, historiens, économistes et spécialistes des relations internationales s’interrogent sur les limites de la mondialisation. 2030, la in de la mondialisation : c’est en 2009 que paraît le livre d’H. Coutau-Bégarie, qui annonce une crise systémique qui remettra en cause la mondialisation. Le repli protectionniste sera-t-il la conséquence de la crise ?

Jacques Sapir parle de son côté de « démondialisation » : désormais, sur le plan politique, les États et les nations reprennent leurs droits et, sur le plan économique, les marchés, que l’on croyait omniscients, accusent un certain recul. Ce mouvement n’est pas sans réveiller de vieilles peurs. Et si cette démondialisation annonçait le retour au temps des guerres ?