Culture générale et culture d'entreprise

Une certaine tradition a désolidarisé la culture générale du monde professionnel et on oppose généralement la culture générale à la culture d’entreprise. Mais on constate aujourd’hui que les deux cultures ne sont pas incompatibles et qu’elles ne s’excluent pas forcément, surtout dans certains secteurs de l’économie. Certains s’interrogent à bon droit si la culture générale peut favoriser l’efficacité professionnelle ou si elle n’a pas du tout sa place dans le tertiaire.

  • Autrefois la culture était incompatible avec le travail

Finley Moses a analysé comment, dans la Grèce antique, l’élite économique se distinguait du peuple en ce qu’elle ne travaillait pas. Socrate et Platon consacrèrent l’intégralité de leur temps à la philosophie, sans travailler. L’idée selon laquelle la culture générale est l’apanage d’une élite qui refuse de travailler s’ancre dès l’Antiquité dans une pensée aristocratique. De nos jours par exemple, de nombreux philosophes continuent à refuser la compromission de l’homme cultivé et on peut citer ici Alain : « On ne vit pas le temps où on travaille ». Ne pas vouloir gagner son pain à la sueur de son front peut en revenir à mépriser les classes laborieuses.

  • Les employeurs recherchent une culture générale moyenne

L’employeur reste le mieux placé pour dire si la culture générale est un outil d’efficacité professionnelle. Or, les entreprises recrutent surtout des bac plus deux et on peut donc en conclure que la culture générale idéale pour une meilleure efficacité au travail est la culture acquise durant le premier cycle du supérieur. À l’inverse, de nombreux docteurs, diplômés de troisième cycle, grossissent les rangs des chômeurs. De nos jours, contrairement à l’Antiquité, l’activité professionnelle ne s’avère plus avilissante mais au contraire valorisante et intégratrice. Mais le rapport entre travail et culture semble dans une première analyse rester le même, l’intellectuel et le travailleur se rejetant mutuellement.

  • Culture générale, adaptation et intelligence pratique

La Renaissance qui s’intéressa à l’Antiquité donna naissance à de nombreux érudits, inventeurs omniscients. Léonard de Vinci peut ainsi constituer un idéal-type wébérien de ce que fut l’honnête homme. Artiste et scientifique, il se révéla un génie de la mécanique et dessina le premier les plans d’un hélicoptère. De nos jours, la culture d’entreprise a cédé la place à la transversalité des connaissances. Une société doit constamment s’adapter aux exigences du marché et lancer de nouveaux produits. Elle se doit de réagir vite et, pour cela, s’appuyer sur un personnel dynamique et réactif. Le temps n’est plus à la carrière mais à l’emploi. Dans ce contexte général d’interdisciplinarité, la notion de culture générale a elle-même évolué et comprend aujourd’hui l’intelligence pratique autant que théorique. Ainsi, l’atout d’un intérimaire résidera non pas dans sa culture d’entreprise mais dans sa connaissance d’entreprises concurrentes. Il se réadapte constamment à un nouvel environnement et se rapproche en cela des fonctionnaires qui « tournent » soit en France soit dans leur région avant de se stabiliser. Comme le souhaitait Rabelais, notre époque a besoin de têtes bien faites et non pas de têtes bien pleines.

  • Culture générale et formation de l'esprit

Un autre indicateur réside dans la formation continue. Car, si la formation continue du personnel de la fonction publique comme du secteur privé se développe, c’est bien que leurs employeurs respectifs ont constaté que la formation théorique renforçait leur efficacité professionnelle. Autrement dit, les employeurs, privés et publics, semblent certains d’obtenir un retour sur investissement en formant l’esprit de leurs employés. Au moment de l’épreuve orale de culture générale dans les concours administratifs, le jury va également estimer la résistance au stress du candidat pour savoir s’il paraît apte à diriger une équipe. Ainsi, la culture générale au-delà d’un simple agrégat de savoirs, désigne un esprit libéré par cette dernière.

  • La culture générale comme outil d'intégration sociale

Ainsi, à travers les siècles, la culture générale est passée d’outil de distinction (Pierre BOURDIEU) à outil d’intégration sociale. Aujourd’hui, l’Éducation nationale tente en France de transmettre à chaque enfant le capital culturel de ses aïeux et rend possible une mobilité transgénérationnelle. Mais la primauté du champ économique sur celui de la pensée n’est-elle pas en train de brader notre système éducatif ?

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