Héroïne de la mythologie grecque, Antigone est la fille du mariage incestueux d’Œdipe* et de Jocaste. Le mythe* d’Antigone nous a été transmis par les tragiques grecs Sophocle, Eschyle et Euripide, au Ve siècle avant J.-C.

La piété filiale et la légitime révolte

Lorsque Œdipe, objet de la réprobation et de la répulsion de tous, se crève les yeux et quitte Thèbes, c’est Antigone qui le guide jusqu’à Athènes. Ainsi incarne- t-elle une figure hautement morale : la fidélité sans faille, la piété filiale.

Mais l’époque moderne a surtout retenu un autre épisode du mythe : Antigone défie ensuite son oncle Créon, lequel a interdit d’enterrer Polynice, frère d’Antigone coupable de s’être levé contre Thèbes. Dans la faiblesse de sa jeunesse et de sa féminité, la fille d’Œdipe repré­sente alors la légitime révolte. Elle dénonce la « démesure » (hubris) de Créon. Nul en effet n’a le droit, affirme Antigone, de se substituer aux dieux, d’interdire à un humain de se présenter au jugement des Enfers. Antigone se fait le champion de la loi divine, laquelle l’emporte sur la loi des hommes. Antigone est condamnée à être enterrée vivante. Les Erinyes punissent Créon : son fils Hémon, amoureux d’Antigone, se tue après avoir découvert sa fiancée pendue dans son tombeau ; et Eurydice, sa mère, femme de Créon, le suit dans la mort. Créon reste seul.

Antigone: figure moderne

La moderne Antigone interroge surtout la souveraineté du droit*, la légitimité du pouvoir, en confrontant légalité et légi­timité. Existe-t-il un devoir de désobéis­sance civile lorsque les lois sont iniques ? Pendant la Seconde Guerre mondiale*, la question est posée avec une particulière acuité dans le contexte de l’État français confronté à l’Occupa­tion nazie : Antigone alors était à Londres ; Créon s’appelait Pétain. Dans les Écrits de Londres (1942), Simone Weil peint une Antigone qui accepte son sacrifice comme un martyre, luttant contre le totalitarisme* au nom de sa conscience religieuse. La résistance au nazisme* s’écrit aussi comme un mythe de la conscience contre la démesure.

Le mythe prend parfois cependant une tournure qui s’éloigne fort de la repré­sentation antique. Ainsi Cocteau en 1922, adaptant une version tronquée de Sophocle, l’avait-il peinte en allégorie de l’anarchie*, comme « celle qui dit non » à la loi, à toute loi.

Cette image domine aussi la version d’Anouilh de 1944, dont l’idéal politique est au plus loin de la pensée anarchiste : le refus d’Antigone se réduit ici à l’ex­pression d’un caprice d’enfant entêté.

Anouilh défend un Créon-Pétain soumis à la raison d'Etat contre une résistante dont il Ignore tout de la dure nécessité de mettre un peu d’ordre parmi les hommes. En ces dernières années d’Occupation, on se pressait à cette représentation où l’on voulait voir une moderne Jeanne d’Arc défiant le pouvoir nazi. Le public refusait de comprendre : le mythe, vivant, se laissait tuer.

Enjeux contemporains : mythe et société

La figure recréée par Anouilh a conti­nué de séduire la génération sui­vante qui a vu dans cette « petite noi­raude » l’image de la jeunesse qui refuse, au nom d’un rêve d’absolu, le monde adulte, ses compromissions et son piètre idéal, le confort bour­geois : Antigone porte les idéaux étudiants de mai 68.

 À consulter :

  1. Steiner, Les Antigones, Gallimard (1986).
  2. Brunei, Dictionnaire des mythes littéraires, Rocher (1988).

Voir aussi:

Commentaire de texte sur Antigone de Jean Anouilh: le prologue

Antigone de jean Anouilh: analyse du monologue du Choeur

le dernier jour d\'un condamné de Victor Hugo: résumé et analyse

Bac de français