I - Qu'est-ce que le commentaire philosophique?
Le commentaire de texte proposé à l’épreuve de philosophie du baccalauréat consiste dans l’étude d’un texte extrait de l’œuvre d’un philosophe, classique ou moderne, annoncé par une formule comme : Dégagez l’intérêt philosophique de ce texte en procédant à son étude ordonnée.
Cela signifie d’abord que la simple paraphrase doit être évitée à tout prix. De surcroît, un tel énoncé suggère immédiatement que la copie doit être organisée selon deux préoccupations complémentaires : l’étude ordonnée et l’intérêt philosophique.
Il faut, de plus, respecter l’organisation formelle d’une dissertation «normale» : introduction, parties et paragraphes nettement distincts, conclusion. Cette double exigence fait la difficulté particulière du ce type de commentaire de texte, difficulté malgré tout surmontable si l’on s’astreint à une méthode rigoureuse.
II. L’étude ordonnée du texte à commenter
L’expression sollicite une mise en ordre des idées de l’auteur: cela peut signifier éventuellement que ce dernier, dans l’extrait qui vous est soumis, a bousculé plus ou moins notablement ce que serait l’ordre logique d’une démonstration — par exemple pour obtenir des effets rhétoriques, choquer volontairement son lecteur par l’affirmation immédiate d’un énoncé surprenant qui ne sera qu’ultérieurement démontré, ou pratiquer, comme le disait Nietzsche, une philosophie «à coups de marteau ». Dans un tel cas, il faut d’abord restaurer à votre propre usage l’argumentation que le texte sous-entend.
Cependant, la majorité des extraits proposés à l’examen sont rédigés de manière logique : l’auteur y soutient une thèse (parfois annoncée dès la première phrase) et l’argumente de façon rigoureuse. Dans ce cas plus simple (qui est quand même, et heureusement, le plus fréquent), votre devoir pourra suivre l’ordre d’exposition suggéré par l’extrait.
Quoi qu’il en soit, votre premier travail consiste obligatoirement à repérer clairement la thèse que soutient l’auteur — puisque c’est à son analyse que doit être consacré un aspect de votre copie. Pour cela, il est évidemment nécessaire de lire le texte plusieurs fois, de façon à vous en imprégner. Puis, il faut en préciser le plan, afin de mettre en place les différents moments de votre étude ordonnée.
Davantage encore que dans une dissertation « classique », l’ordre de votre exposition rédigée sera exactement l’inverse de celui de votre réflexion préparatoire. En lisant, vous découvrirez en effet des propositions, ou des phrases, qui peuvent se regrouper en parties. Il est alors possible de pratiquer une sorte de «remontée » progressive vers l’essentiel:
— découpez le texte en parties;
— résumez chacune de ces parties en une phrase : vous obtenez le plan général du texte;
— résumez l’ensemble du texte en seule phrase synthétique, qui pourrait lui servir de titre : c’est la thèse de l’auteur;
—cherchez quel thème philosophique est concerné par cette thèse.
Pour rédiger votre devoir:
— énoncez dès votre introduction le thème (ou problème) philosophique, la thèse de l’auteur et les moments successifs de son argumentation,
— construisez autant de parties que vous en aurez distinguées dans le texte.
NB. Il est absolument inutile, sous prétexte d’étaler vos connaissances, de vous livrer dans votre introduction à des considérations générales sur l’auteur — du genre «X est né en... c’est un grand philosophe allemand, ou français... son système se définit en général comme... », etc. — qui n’ont rien à voir avec le contenu précis du texte. C’est ce dernier qui doit constituer l’épine dorsale de votre devoir, les considérations évoquées sont tout simplement hors sujet.
III. L’intérêt philosophique du texte commenté
C’est ici qu’il y a lieu de composer à proprement parler un commentaire. Celui-ci doit s’appuyer sur les suggestions (thème et thèse) du texte : il n’est pas question de vous lancer dans des considérations tous azimuts sur, par exemple, la liberté, sous prétexte que l’extrait en parle d’une certaine façon. Le cours reçu dans l’année, même si vous le connaissez bien, ne doit jamais être restitué tel quel dans la copie ; il convient au contraire d’y choisir ce qui peut être utile au commentaire et de le remettre en forme.
Il serait également hors de propos de faire état d’une connaissance générale du système philosophique de l’auteur considéré: il vous est demandé de montrer que vous comprenez en quoi sa manière d’aborder un problème fait avancer la réflexion, et non de résumer à grands traits l’ensemble de sa pensée !
Le but du commentaire est de montrer que le texte (vous) donne à réfléchir. Il convient de souligner son intérêt, en montrant, selon sa nature propre:
— qu’il propose une notion nouvelle, dont la pensée ultérieure montrera la fécondité : il est dans ce cas nécessaire de faire appel à votre connaissance de textes d’autres auteurs abordant le même thème (d’où l’intérêt de la lecture, en cours d’année, des recueils de textes organisés en fonction des notions au programme);
— qu’il aborde une notion de façon originale par rapport aux pensées contemporaines et antérieures — ce qui suppose que vous soyez capable de rappeler le contexte intellectuel dans lequel il a été produit, d’en citer des exemples symptomatiques, et d’évoquer les solutions apportées précédemment au problème abordé;
— qu’il élabore un concept composant le point central d’un système (le cogito de Descartes, l’élan vital de Bergson) ; il convient alors — et c’est bien le seul cas où cela est justifié — de rappeler les grandes articulations de ce système en montrent comment elles sont liées à ce concept, mais aussi de souligner combien ce dernier aura ensuite, dans l’histoire de la philosophie, un rôle discriminatoire dans le repérage des disciples ou des contradicteurs du philosophe. Celui-ci en effet réfute une thèse — d’un philosophe antérieur ou du « sens commun » — dont vous devez du même coup indiquer comment et pourquoi elle était pensable, mais aussi pourquoi elle devient à un certain moment impossible à maintenir.
Dans tous les cas, la mise en valeur de l’intérêt philosophique du texte doit obéir à un souci de construction formelle aussi rigoureux que pour une dissertation classique. Cela signifie notamment que vous ne devez jamais vous contenter d’opposer à la thèse de l’auteur une thèse contradictoire : une telle démarche ne mène à rien et demeure sans conclusion possible, puisqu’elle suggère, au mieux, que la solution consisterait en un panachage éclectique sans rigueur, ou que vous laissez au correcteur le soin de choisir (en jouant à pile ou face?) la position que vous prétendez défendre dans la copie.