Polyeucte : résumé acte par acte
Acte I
Polyeucte, seigneur arménien, a épousé Pauline, la fille de Félix, gouverneur romain d’Arménie. Entraîné par Néarque, Polyeucte se fait baptiser en secret. Arrive alors Sévère, amant de Pauline autrefois, éconduit par Félix, et désormais favori de l’empereur Décie .
Acte II
Sévère, désormais digne de Pauline, est revenu pour l’épouser. Cependant Félix, inquiété par sa nouvelle puissance, craint sa vengeance et force sa fille à le rencontrer. Mais celle-ci, malgré son amour, reste fidèle à son devoir et le repousse. Polyeucte se rend alors au sacrifice rendu aux dieux romains, décidé à laisser éclater sa foi nouvelle à cette occasion..
Acte III
Exalté, Polyeucte a ainsi détruit les idoles des Romains. Cette violence le condamne définitivement. Félix, chargé par l’empereur de combattre les chrétiens, hésite cependant à le punir, alors que Néarque est, quant à lui, immédiatement exécuté.
Acte IV
Pauline tente en vain de faire revenir Polyeucte sur sa foi. Résolu au martyre, il donne Pauline à Sévère, mais celle-ci veut rester fidèle à son époux, et persuade Sévère de faire fléchir Félix, décidé à châtier Polyeucte.
Acte V
Or Félix, désireux de plaire à l’empereur, n’écoute pas Sévère et fait tuer son gendre. Un miracle suit alors sa mort, puisque Pauline et Félix se réclament dans un même élan de la foi chrétienne. Sévère, témoin de cette conversion, promet de fléchir la haine de l’empereur envers les chrétiens.
Analyse de Polyeucte
► Un difficile arrachement
Polyeucte, dès la scène d’exposition, révèle les limites de son attachement à Pauline : marié à la femme qu’il aime, il fait l’expérience des désagréments de la possession, qui transforment un amour en aliénation. L’amour, et plus précisément l’hyménée, est vécu comme une privation de liberté :
Et mon cœur, attendri sans être intimidé,
N’ose déplaire aux yeux dont il est possédé (v. 19-20).
Pauline vit parallèlement une passion aliénante, puisque ses sentiments pour Sévère, quoi qu’elle en dise, fragilisent sa volonté et même sa vertu. Polyeucte va alors progresser vers un détachement vis-à-vis des êtres et des choses propre à le conduire jusqu’à Dieu. Il se détache tout d’abord de son statut princier : fils de roi, il nie cependant cette descendance en détruisant les idoles de son peuple, intimement liées à l’exercice du pouvoir. Il rejette ensuite son rôle d’époux :
Je ne vous connais plus si vous n’êtes chrétienne (v. 1612),
et ira jusqu’à donner Pauline à son rival malheureux pour se débarrasser d’elle. Bravant Félix et, à travers lui, la volonté de Rome, il achève de se défaire de tout rapport humain, de tout ce qui en lui le rattachait à l’humanité. A partir de là, il peut continuer son héroïque ascension vers le martyre.
► Un héroïsme de la sainteté ou une sainteté dans l’héroïsme ?
La formule de Péguy (Victor-Marie, comte Hugo) a pu entretenir une partie de la critique dans la représentation d’un Polyeucte « bravache », « une espèce d’énergumène - écrit Claudel à Brasillach - qui se rue au baptême, puis à des actions ostentatoires que l’Église a toujours condamnées ». L’injustice et la mauvaise foi de Claudel à l’égard des œuvres de Corneille ne doivent pas faire oublier que, pour les contemporains de Polyeucte, le personnage principal est sans aucun doute plus un saint qu'un héros. Le scandale iconoclaste sera en effet condamné par l’Église mais bien après le martyre de saint Polyeucte (250 apr. J.-C), au concile d’Illibéris en 305. Cette ostentation et ce volontarisme tout héroïque s’inscrivent en revanche parfaitement dans le projet de la Contre-Réforme : donner à voir des exemples chrétiens.
Il paraît ainsi difficile d’affirmer, sans se laisser aveugler par l’idéologie, que la version de Polyeucte relève moins de l’action de la grâce que de celle de sa volonté. La sainteté de Polyeucte puise dans l’héroïsme de Rodrigue et d’Horace mais elle le dépasse dans un mouvement d’arrachement pathétique. De fait, Polyeucte n’a pas le fanatisme du patriote Horace, l’adieu aux délices du Monde est douloureux. Son amour pour Pauline par l’action de la grâce parvient à cette dimension spirituelle que manifeste l’intercession du saint qui entraîne la conversion de Pauline, de Félix et, à travers lui, de façon prophétique, de l’Empire tout entier.
C’est pourquoi Péguy pourra écrire, à propos du trajet de Polyeucte : « Il faut qu’une sainteté vienne de la terre, monte de la terre. Il faut que la sainteté s’arrache de la terre laborieusement, douloureusement, saintement. Autrement non seulement elle n’est pas humaine, mais elle n’est pas chrétienne. »