Définition de la société

Pour savoir ce qu’est une société, rendons-nous d’abord sur une plage en bord de mer un jour d’été. Quelques centaines de personnes sont là, allongées sur le sable. Certaines sont seules, en train de rêvasser au soleil, de lire ou de regarder autour d’elles. D’autres sont venues en couple ou en famille autour d’un parasol. Ici ou là, il y a des groupes un peu plus larges comme ces adolescents qui rient et jouent au ballon.

Difficile de considérer l’ensemble des vacanciers sur la plage comme formant une société. Les gens ne se connaissent pas et n’interagissent pas vraiment ensemble. Par contre, les petits groupes familiaux ou amicaux forment bien des petits microcosmes sociaux : on y parle, on interagit, on joue, on se touche, on échange. Cela ressemble déjà plus à une société, même si le groupe d’amis va se disperser tout à l’heure, quand chacun rentrera à son domicile.

Il n’existe pas de définition canonique de la société. Mais tous les sociologues s’accorderont pour dire qu’une société est plus qu’une collection d’individus qui coexistent sur un même territoire (comme les gens sur cette plage). Pour « faire société », il faut que les individus forment une unité plus vaste et soient reliés entre eux par des liens, des règles, une culture commune et des interactions.

La société n’est donc pas une affaire de nombre, ni de ressemblance (tous les gens sur la plage sont en maillot de bain). La société suppose des liens d’interdépendance suffisamment consistants pour former un ensemble plus vaste. Voilà pourquoi on parle de société pour désigner des ensembles humains comme les habitants d’un pays – la « société française » par exemple – car même si tous les Français ne se connaissent pas les uns les autres, leur vie est en partie régie par des règles et des institutions communes. Chaque Français fait aussi partie de sociétés plus restreintes : sa famille (plus ou moins soudée), une institution d’appartenance (l’école, l’entreprise), etc. L’agrégation de ces microcosmes forme d’ailleurs une société de sociétés.

Quels sont les éléments qui structurent la société ?

« Comment les formes sociales se maintiennent-elles ? » est le titre d’un article publié par le sociologue Georg Simmel dans L’Année sociologique en 1886, à l’époque de la naissance de la sociologie. Avec cette question simple, le sociologue pose l’une des questions fondatrices les plus redoutables des sciences sociales : quel est le ciment du lien social ? Qu’est-ce qui fait que les gens acceptent de vivre ensemble, coopérer ou suivre les mêmes règles ?

La question est simple, la réponse l’est un peu moins. Pour simplifier, on peut regrouper les réponses des sciences sociales autour de quatre grands pôles : 1) la société, c’est le pouvoir ; 2) la société, c’est l’échange ; 3) la société, c’est la culture ; 4) la société, ce sont les émotions collectives.

1. La société, c’est le pouvoir

Un premier groupe d’analyses met l’accent sur le rôle de la contrainte et du pouvoir dans le maintien de l’ordre social. C’est le rôle qu’assignait Thomas Hobbes à l’État-Léviathan : mettre fin à l’état de nature et à « la guerre de tous contre tous » en instaurant une autorité politique supérieure, tel est le fondement de l’ordre social. Pour le sociologue Max Weber, l’État détient dans les sociétés modernes le « monopole de la violence légitime ». En s’arrogeant le droit exclusif de rendre justice, de constituer une armée, d’assurer les fonctions de police, l’État met fin aux guerres privées (féodales), aux vendettas, aux duels. Il est le garant d’un ordre social contre la violence privée. Première réponse donc : il n’est pas de société sans pouvoir, sans hiérarchie, sans contrainte que fait peser une autorité politique sur les membres d’une communauté.

2. La société repose sur l’échange

Une autre façon d’envisager le lien social est de mettre l’accent sur les formes de coopération entre individus. Dans cette optique, ce sont les échanges qui cimentent les relations sociales.

Adam Smith parlait de la « main invisible » pour désigner le lien d’interdépendance créé par la division du travail. Toutes les formules de contrats (de travail, de commerce, voire de mariage…) sont bâties sur ce principe d’intérêts réciproques. Émile Durkheim parle de « solidarité organique » pour désigner cette forme d’interdépendance liée à la division du travail.

La théorie du « don/contre-don » de Marcel Mauss est une autre façon d’envisager l’échange (dans une optique moins comptable). Dans son Essai sur le don (1923-1924), le sociologue souligne que les nombreux cadeaux (entre tribus, entre chefs d’État, entre amis, etc.) sont une forme de contrat implicite qui contribue à entretenir les relations sociales.

3. La société repose sur la culture

Une société repose aussi sur des valeurs, un imaginaire partagé, des représentations collectives, des idéaux et idéologies, tout ce que l’on désigne couramment par « culture ». Cette intégration culturelle peut se réaliser via le processus de socialisation primaire ou secondaire. Il n’est pas de société possible sans que les individus aient intégré un minimum de règles de sociabilité, codes de conduite et culture commune. Tout enfant doit apprendre certains usages (s’asseoir à table, manger avec une fourchette ou des baguettes), les règles de vie propres à son milieu d’appartenance (saluer, embrasser ou tendre la main à un proche, etc.). Pour intégrer un milieu professionnel, il faut aussi posséder non seulement les savoir-faire, les codes de conduites, les rites et règles spécifiques à chaque profession ou entreprise. Cela vaut pour n’importe quelle communauté humaine.

Aujourd’hui, les sociologues ont tendance à se démarquer de ces visions intégratrices de la socialisation. Désormais, on met plutôt l’accent sur la multiplicité des sphères de socialisation (familiale, scolaire, des groupes de pairs, professionnelle, médiatiques) et les capacités individuelles à se réapproprier les règles de son milieu avec plus ou moins de distance critique.

4. La société repose sur les émotions

La vie sociale serait-elle possible sans l’existence de sentiments sociaux – amour, attachement, empathie… –, sans ces émotions sociales que sont la honte, la culpabilité, la sympathie, la fierté et sans cette soif d’amour que l’on appelle la quête de reconnaissance ? La quête de reconnaissance est ainsi envisagée comme un besoin humain (individuel et collectif) fondamental. Pour le philosophe allemand Axel Honneth, cette lutte pour la reconnaissance peut s’appliquer à trois sphères de la sociabilité humaine : le cercle des relations primaires (famille, amis) ; la sphère du travail (la reconnaissance du travail accompli) ; la sphère publique (reconnaissance des minorités, des victimes).

Pourquoi y a-t-il des conflits dans la société ?

La logique des sentiments est présente à tous les étages de la vie sociale, notamment dans notre société de service où les activités de soins (le care) prennent une place considérable, de la garde des enfants à la prise en charge des personnes âges. Cette prise en charge spécifique des personnes par d’autres personnes ne peut reposer que sur le pouvoir, l’échange ou le partage d’une culture commune. La qualité de cette relation dépend aussi d’émotions sociales – compassion, amour – sans lesquelles les relations interpersonnelles sont invivables. Le pouvoir, l’échange, la culture, les affects : toutes les sociétés humaines composent avec ces quatre éléments fondamentaux pour tenter d’intégrer les individus au sein d’ensembles plus vastes.

Mais chacune de ces forces d’intégration comporte en elle une force de désintégration. Le pouvoir entraîne des contre-pouvoirs, d’où des conflits. De même, si l’échange est peut-être l’un des piliers du lien social, il n’est pas de contrat sans rupture de contrat (dans le travail, dans les couples), etc.

Les classe sociales

Définition d'une classe sociale

Le terme "classe sociale" est souvent utilisé de manière interchangeable avec "catégorie socio-économique" , tant par le grand public que par les sociologues. Très souvent, lorsque vous l'entendez, c'est ce qu'il signifie. Dans un sens technique, cependant, la classe sociale est utilisée pour désigner spécifiquement les caractéristiques qui sont moins susceptibles de changer, ou plus difficiles à changer, que le statut économique d'une personne, qui est potentiellement modifiable dans le temps. Dans ce cas, la classe sociale fait référence aux aspects socioculturels de la vie d'une personne, à savoir les traits, les comportements, les connaissances et le mode de vie dans lesquels elle est socialisée par sa famille. C'est pourquoi des descripteurs de classe tels que "inférieur", "ouvrier", "supérieur" ou "élevé" peuvent avoir des implications sociales et économiques sur la façon dont nous comprenons la personne décrite.

Lorsque quelqu'un utilise "classe" comme descripteur, il désigne certains comportements et modes de vie et les présente comme supérieurs aux autres. En ce sens, la classe sociale est fortement déterminée par le niveau de capital culturel d'une personne, un concept développé par le sociologue français Pierre Bourdieu (1930-2002) dans son ouvrage de 1979 intitulé "Distinction : Une critique sociale du jugement de goût". Selon Bourdieu, les niveaux de classe sont déterminés par l'acquisition d'un ensemble spécifique de connaissances, de comportements et de compétences qui permettent à une personne de naviguer dans la société.

Pourquoi parler de classes sociales ?

Alors pourquoi la classe sociale, quel que soit le nom qu'on lui donne ou la manière dont on la découpe, est-elle importante ? Elle importe aux sociologues parce que son existence reflète un accès inégal aux droits, aux ressources et au pouvoir dans la société - ce que nous appelons la stratification sociale. En tant que telle, elle a un effet important sur l'accès d'un individu à l'éducation, sur la qualité de cette éducation et sur le niveau qu'il peut atteindre. Elle affecte également les personnes que l'on connaît socialement et la mesure dans laquelle ces personnes peuvent lui offrir des opportunités économiques et d'emploi avantageuses, une participation et un pouvoir politiques, et même la santé et l'espérance de vie, parmi bien d'autres choses. 

Les transformations de la société 

Jusque dans les années 1980, la « société » était un concept central de la sociologie. Plus exactement, elle formait un arrière-fond paradigmatique dans lequel on pensait le monde social. La société était plus ou moins assimilée à un système social homogène avec sa tête, un État-nation, avec ses classes sociales aux contours bien définis, structuré par des institutions stables : la famille, l’école, l’Église.

À partir des années 1990, les sociologues ont remis en cause cette vision intégrée de la société. L’idée de société s’est effacée au profit d’une vision du monde social moins homogène ou la société n’est plus un grand organisme, mais un emboîtement de sphères d’activités qui s’enchevêtrent, un tissu de réseaux, avec un contrat de travail plus flexible, une famille qui vole en éclats, des formes d’emprises politiques ou religieuses moins prégnantes sur les individus. Le sociologue Zygmunt Bauman a qualifié cette société de « liquide » pour désigner ce nouveau mode d’agrégation sociale.

Ce constat du déclin des institutions au profit d’une société d’individus est soumis à son tour à quelques critiques de fond. L’État providence, l’école, les entreprises, les associations, les formes familiales ne se sont pas dissoutes dans un agrégat d’individus atomisés. On est plutôt passé de structures rigides à des « structures molles », peut-être plus souples et mouvantes, mais tout aussi présentes. Bref, la société n’a pas disparu, elle est simplement plus plastique.

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