Le terme de réalisme désigne la littérature refusant les invraisemblances du romantisme et s’appliquant à décrire la réalité crue. Ce mouvement, qui vise également à l’objectivité et à l’effacement du moi, marque donc incontestablement un retour du balancier vers les valeurs du classicisme. Le terme de naturalisme désigne d’abord les sciences de la nature. C’est Emile Zola qui l’applique à la littérature, prétendant faire œuvre de scientifique dans son analyse des humains. Le naturalisme est une forme du réalisme.

 

I. Les causes du réalisme et du naturalisme

 1. L’échec de 1848

 L’avènement de la lie République semblait réaliser les idéaux romantiques. Le poète Lamartine n’était-il pas à la tête du Gouvernement provisoire ? Et Victor Hugo député de Paris ? Après le coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte et l’avènement du Second Empire, Lamartine se retira de la vie politique et Victor Hugo, farouchement hostile à Napoléon III, quitta la France.

2. La révolution industrielle et scientifique

Le Second Empire voit éclore le capitalisme industriel. Les chemins de fer quadrillent le pays, frappant les imaginations des peintres et des écrivains (Zola, La Bête Humaine, 1890) par leur puissance élégante et massive. Claude Bernard et Louis Pasteur appliquent à l’homme la méthode expérimentale que Zola prétendra utiliser dans ses romans. Enfin, les théories de Darwin sur l’évolution des espèces et les travaux de Charcot sur les pathologies nerveuses modifient profondément l’idée de l’homme, tout en ouvrant des perspectives nouvelles à la littérature. 

3. Le positivisme

Auguste Comte (1798-1857) affirme que l’Histoire est entrée dans l’ère du positivisme et que la religion comme la métaphysique sont appelées à disparaître. Son disciple, Hippolyte Taine (1828-1893), pose la triade « race — milieu — moment)) (l’hérédité, la classe sociale et l’époque) comme susceptible d’expliquer tous les comportements humains. Emile Zola s’en inspire.

4. Le pessimisme

Pourtant le culte du progrès défini par les positivistes ne parvient pas à venir à bout du désespoir de Flaubert, Maupassant ou Zola. Privés de la religion qui donnait encore aux romantiques l’espoir d’un au-delà, les réalistes et les naturalistes sont marqués par un pessimisme radical. Assoiffés d’absolu sans croire à l’absolu, ils subissent tous l’influence de la philosophie de Schopenhauer.

 

II. Le réalisme

1. Gustave Flaubert

Gustave Flaubert (1821-1880) domine, par la nouveauté de son inspiration autant que par l’exemplaire perfection de son style, la production romanesque de son siècle. Dans toutes ses œuvres, il reste soucieux d’exactitude et prépare la composition de ses romans par de longues et minutieuses enquêtes. Mais si son réalisme l’amène à décrire la bourgeoisie dans Madame Bovary(1857) ou L’Éducation sentimentale (1869), son imagination conserve bien des élans romantiques dans Salammbô (1862).

2. Edmond et Jules Goncourt

Edmond et Jules Goncourt (1822-1896 / 1830-1870) présentent un cas rare d’écriture conjointe. Leur intérêt pour les cas pathologiques, comme l’hystérie décrite dans Germinie Lacerteux (1865), les rapproche déjà du naturalisme de Zola, voire du décadentisme Fiche 8. Mais c’est surtout leur style raffiné, qualifié d’écriture artiste, riche de néologismes et de mots rares, d’alliances de mots surprenantes et d’écarts par rapport à la syntaxe traditionnelle, qui distingue leur œuvre et en fait les précurseurs du mouvement décadent.

 

III. Le naturalisme :

 1. Émile Zola

Émue Zola (1840-1902) est le créateur du mouvement naturaliste. Reprenant l’idée des romans liés que Balzac avait initiée avec la Comédie humaine, Zola décide de composer un ensemble de romans retraçant l’histoire d’une famille sous le Second Empire : Les Rougon-Macquart  (1871-1893). Ce qui distingue le naturalisme du simple réalisme, c’est la volonté de faire de chaque roman une expérience scientifique sur des personnages définis par leur hérédité et leur milieu. C’est ce que Zola appelle le roman expérimental. Victimes d’un déterminisme héréditaire et social auquel ils ne peuvent se soustraire, les personnages de Zola font preuve d’une psychologie assez courte ils sont davantage des animaux disséqués par un médecin que des êtres libres. Cette approche particulière de l’homme contribue au pessimisme profond de ses romans.

2. Guy de Maupassant

Guy de Maupassant (1850-1893) devint célèbre par sa nouvelle Boule-de-Suif, parue dans Les Soirées de Médan (1880), recueil destiné à faire connaître du public tous les écrivains se réclamant du naturalisme. Formé à la littérature par Flaubert qu’il admire énormément, Maupassant sait allier l’art du conteur, capable de saisir le détail caractéristique ou symbolique, à une remarquable maîtrise du style. La maladie mentale qui l’emportera ne fera qu’accentuer dans ses nouvelles ou ses romans le pessimisme profond qui l’habite.

3. Joris-Karl Huysmans

Joris-Karl Huysmans (1848-1907) collabora lui aussi aux Soirées de Médan. Ses premiers romans, situés dans des, milieux populaires, s’inscrivent en effet dans le courant naturaliste. C’est avec A rebours (1884) que Huysmans rompt avec le mouvement d’Émile Zola. Le personnage de Des Esseintes, aristocrate blasé et excentrique, devient l’incarnation même du décadent. Le style artiste de Huysmans, proche de celui des Goncourt, s’accorde d’ailleurs à merveille aux raffinements étranges de son personnage. Après A rebours, Huysmans évolue progressivement vers le christianisme qui marquera ses dernières œuvres.