« Libéralisme » est un terme générique qui désigne une diversité de courants et de doctrines forgés en Occident au cours des siècles, à partir du maître mot de « liberté ».
Le libéralisme, comme doctrine philosophique, politique et économique, est né au XVIIIe siècle d’une revendication fondamentale de la bourgeoisie montante : l’expression des libertés politiques, économiques et intellectuelles de l’individu contre l’arbitraire de l’État absolu, contre les entraves économiques (ordres, corporations) ou intellectuelles (Église). Les théoriciens libéraux veulent fonder un ordre social qui accorde à l’individu des droits de propriété, d’expression politique, de conscience.
Par la suite, le destin du libéralisme comme grand mouvement de pensée va se scinder en plusieurs variantes.
Le libéralisme politique
Le libéralisme politique fut utilisé en Angleterre et aux Provinces Unies au XVIIe siècle comme idéologie de combat contre l’absolutisme monarchique et les autorités religieuses. Il affirme comme principe premier de la vie politique la défense des droits politiques de l’individu : droit d’expression, d’association, de propriété…, alors que l’Ancien Régime soumettait l’individu aux intérêts du groupe: famille, ordre, État, Église. Il revendique un État fondé sur le droit et non l’autorité capricieuse du prince. Les penseurs classiques du libéralisme politique sont Locke, Montesquieu, Benjamin Constant, François Guizot, Tocqueville.
John Locke (1632-1704) en a énoncé le premier les principes politiques : le but de l’organisation politique n’est pas de renforcer la puissance de l’État mais d’offrir aux individus la liberté de penser, de croire, de circuler, d’organiser leur vie comme ils l’entendent dès lors que la liberté d’autrui n’est pas menacée. Montesquieu (1689-1755) développe l’idée de la division des pouvoirs (entre autorité religieuse et politique, entre exécutif et législatif) qui garantit contre l’arbitraire de l’État.
Le libéralisme politique est représenté en France au XIXe siècle par des hommes comme Benjamin Constant (1767-1830), inlassable dénonciateur de la tyrannie et des régimes despotiques jacobins ou bonapartistes (B. Constant. De la liberté chez les Modernes, textes préfacés et commentés par M. Gauchet, 1980).
Au XXe siècle, les libéraux désignent tout un spectre de penseurs aux options parfois très différentes : des tenants du pluralisme politique et opposants au totalitarisme (comme Raymond Aron) jusqu’aux doctrinaires ultralibéraux, partisans de l’État minimal, comme le fut le courant des « libertariens » (Robert Nozick…) qui eurent leur heure de gloire dans les années 1980.
isaiah Berlin et les deux libertés
Historien des idées et philosophe anglais (d’origine russe), Isaiah Berlin (1909-1997) a introduit une célèbre distinction entre deux types de liberté : la liberté négative, qui renvoie simplement au fait de ne pas être entravés dans la réalisation de ce que nous souhaitons faire (s’exprimer sans censure, circuler librement…) ; la liberté positive, qui suppose un véritable pouvoir d’action : celui de contrôler les décisions publiques ou d’y prendre part. (Éloge de la liberté, 1988)
Le libéralisme économique
Le « laisser-faire » est le credo des libéraux. Le libéralisme économique repose sur deux idées simples : la libre entreprise est le meilleur stimulant de la production et le libre-échange le meilleur dispositif de répartition des richesses. Les économistes « classiques » qui ont donné forme au credo libéral sont : Adam Smith, David Ricardo, Jean-Baptiste Say, John Stuart Mill. Leur libéralisme n’est cependant pas radical. Par exemple, ils ne s’opposent pas à toute intervention de l’État pour répartir les richesses.
Le libéralisme économique a pris par la suite plusieurs formes.
Les « néo-classiques », regroupant les marginalistes de la génération des années 1870 (Léon Walras et Vilfredo Pareto, Alfred Marshall, William S. Jevons, Carl Menger, etc.) qui ont reformulé la théorie classique (modèle microéconomique du marché auto équilibré) et les théoriciens de la micro-économie (modèle Arrow-Debreu), ne sont pas tous, loin s’en faut, des partisans d’un libéralisme effréné.
Dans les années 1980, un courant de pensée « néolibéral » a eu le vent en poupe. Contre le keynésianisme jusque-là dominant, les néolibéraux (Milton Friedman, James Buchanan, Robert Lucas, etc.) proposent des politiques de retrait de l’État, une déréglementation à l’échelle nationale et la libéralisation des échanges à l’échelle internationale. Ils ont eu une grande influence dans les politiques économiques (par exemple sous les mandats de Ronald Reagan et Margaret Thatcher) et les institutions internationales (FMI…).
Critiques récentes du libéralisme
La pensée libérale a fait l’objet de réévaluations récentes. Catherine Audard, dans Qu’est-ce que le libéralisme ? Éthique, politique, société (2009), s’attache à montrer qu’il existe un noyau doctrinal commun à tous les formes de libéralisme, depuis ses formes premières au XVIIe siècle jusqu’aux auteurs contemporains. Ce noyau doctrinal est fondé sur trois piliers que sont la souveraineté de l’individu, la liberté et l’État de droit. Mais ce même fond commun s’accorde ensuite avec des positions politiques très différentes. Dans sa Contre histoire du libéralisme (2013), le philosophe Domenico Losurdo mène une charge sévère contre les tenants du libéralisme politique en Angleterre, aux États-Unis et en France, des pères fondateurs jusqu’au seuil du XXe siècle dont les doctrines se sont accordées avec l’extermination des Indiens d’Amérique, la traite atlantique, l’esclavage persistant au XIXe siècle, la condition faite aux Noirs d’Amérique du Nord, l’eugénisme et le racisme. Ainsi John Locke, David Hume trouvaient l’esclavage acceptable. Thomas Jefferson, Benjamin Franklin, n’envisageaient pas que les Noirs et les Amérindiens devaient être des citoyens libres et égaux comme les autres. Et Alexis de Tocqueville lui-même se rendra à certaines de leurs raisons.