Les caractéristiques de l'humanisme: 

La rupture avec le Moyen Âge

Beaucoup d’humanistes, comme Rabelais, stig­matisent le Moyen Age comme une époque d’ignorance et d’obscurité. On refuse généralement l’héritage des précédentes générations : par exemple, les poètes n’écrivent plus des ballades, ce genre poétique est abandonné au profit du nouveau poème à forme fixe issu de la Renaissance italienne : le sonnet. Cette disgrâce imméritée de la culture médiévale court jusqu’au XIXe siècle.

Le retour à l’Antiquité gréco-latine

Les Grecs et les Latins sont la référence des humanistes. Du Bellay crée notamment le néologisme « innutrition » pour demander aux érudits et aux artistes d’être « nourris » de culture antique au point de penser, de s’exprimer, et de créer, à travers les schémas de cette culture. Socrate, Platon, Aristote, et la conception de « l’homme animal raison­nable » font dorénavant autorité ; la foi en la raison et en l’intelligence humaines se développe, ainsi que l’importance de la connaissance. Le rêve de la « connaissance universelle », de l’homme parfaitement réalisé, incarné par Pic de la Mirandole, hante beaucoup d’esprits.

La permanence du christianisme

La rupture avec le Moyen Âge n’est pas totale. La foi chrétienne demeure vivace, même si on voit poindre les prémisses du scep­ticisme, avec Montaigne en particulier. Cette culture ambivalente, gréco-latine/chrétienne, se manifeste par un art très caractéristique, surtout pour la peinture et la sculpture, chrétien par les thématiques exploitées, grec par les canons esthétiques régissant en particulier la représentation du corps humain. Michel-Ange illustre parfaitement cette ambivalence par son plafond de la Chapelle Sixtine ou son David.

Les facteurs de la mutation culturelle

Les causes historiques

D’une part, la chute de Constantinople en 1453 et la fin de l’Em­pire romain d’Orient entraînent un flux migratoire de la population de culture occidentale, vers l’Occident, avec ses livres : certains livres, grecs surtout, interdits par Rome, et enfermés au secret dans les biblio­thèques des monastères (lire Umberto Eco, Le Nom de la rose) circu­lent dorénavant. D’autre part, les guerres d’Italie menées par François Ier, grand amateur d’art et mécène, ramènent en France l’art et les artistes italiens, Léonard de Vinci en particulier, un art qui avait déjà réalisé en Italie sa « renaissance » durant le célèbre « Quattrocento ».

Les explorations maritimes : L’homme prend possession de sa terre

Depuis longtemps, on était parti vers l’Est, le pays du soleil levant est aussi celui, à investir, de la vie. En revanche, l’Ouest, c’est la mer, on ne croit pas qu’il existe de terres dans cette direction ; de plus, le pays du soleil couchant est aussi celui de la mort, peuplé de mons­tres, de démons et de dieux maléfiques, une exploration taboue pour l’homme. L’aventure mythique des grands explorateurs est aussi une démythification de l’Ouest. Dorénavant, la terre devient l’univers de l’homme, un univers qu’il peut explorer et exploiter, et non l’espace interdit de telle ou telle puissance surnaturelle vengeresse.

La naissance de l’anatomie : L’homme prend possession de son corps

La médecine et la chirurgie progressent avec les travaux de François Rabelais, de Léonard de Vinci, d’Ambroise Paré. Mais surtout, les dissec­tions des cadavres humains commencent à se pratiquer ; elles sont quasi interdites par l’Église chrétienne : le corps, temple sacré de l’âme, se doit d’être respecté par-delà la mort. Les travaux sur le corps humain de
celui qui est considéré comme le fondateur de l’anatomie moderne, le flamand André Vésale sont fondamentaux. Celui-ci, d’une certaine façon, paie ses travaux de sa vie puisqu’il meurt dans un naufrage lors de son retour d’un pèlerinage à Jérusalem qu’on lui a imposé. Progressivement, l’homme explore son propre corps en vue de le connaître et d’en assu­rer la santé ; la maladie n’est plus une malédiction ou une fatalité, elle devient une anomalie, à combattre en tant que telle.

 

 

Les recherches astronomiques : L’homme prend possession de sa raison, de son intelligence

Cent ans séparent la recherche du Polonais Copernic, de celles de l’Italien Galilée et de l’Allemand Kepler qui se situent toutes deux au début du XVIIe siècle. Cent ans pour prouver que la terre tourne autour du soleil, et non l’inverse, pour passer du géocentrisme à l’héliocentrisme. Copernic passe à la postérité par l’expression « révolution copernicienne », imposée plus tard par Kant, qui carac­térise toute découverte remettant fondamentalement en question les conceptions établies. Quant à Galilée, le procès que lui intente le tribunal catholique de l’Inquisition italienne fait de lui l’archétype de l’homme d’esprit censuré par un pouvoir, ici religieux, conservateur. La fameuse formule « Et pourtant, elle tourne ! » montre, entre autres, que rien ne peut arrêter définitivement la vérité scientifique.

Pourquoi ces découvertes sont-elles essentielles ? L’œil de l’homme voit le soleil tourner : il faut la construction, par l’homme, de lunettes astronomiques, et les calculs mathématiques, pour corriger la per­ception des sens ; autrement dit, la raison est plus performante que la perception immédiate des sens. De plus, la tradition chrétienne, qui lit les textes sacrés de façon littérale, place la terre au centre de l’univers ; l’investigation rationnelle infirme la Révélation biblique. Autrement dit, la raison est plus fiable que les saintes écritures... c’est tout l’enjeu du procès de Galilée.

La mise au point et le développement de l’imprimerie

Une technique n’est jamais neutre ; l’imprimerie, le « média » de l’époque, opère un modelage important du savoir qu’elle transmet. D’abord, la transmission du savoir échappe à l’Église et aux moines copistes ; il est vrai que pendant plusieurs siècles l’Église mettra tout en œuvre pour contrôler ce nouveau moyen de diffusion des idées, mais, techniquement, la circulation des livres n’a plus besoin du relais clérical ; l’émergence d’une culture laïque est dorénavant possible.

Ensuite, la diffusion de la culture au Moyen Âge est surtout orale, on se réunit pour écouter les ménestrels, les troubadours, les trouvères, ce qui engendre une culture qui développe un sens de la collectivité, voire de la communauté, important. À l’inverse, la relation au livre est strictement individuelle, elle contribue à l’individualisme qui carac­térise notre culture. Enfin, dans une transmission orale, l’émetteur détient presque tous les pouvoirs sur le récepteur ; en revanche, le lecteur, récepteur du livre, a beaucoup plus d’autonomie, il définit son rythme de réception, il s’arrête à loisir, revient sur les propos lus, opère les confrontations qu’il souhaite. L’imprimerie et le livre sont donc des vecteurs de liberté intellectuelle importants.

Portée de la Renaissance

La Renaissance est humaniste parce qu’elle est un acte de foi en l’homme, plus précisément en l’intelligence humaine, en la raison. Cette confiance ne cesse de croître jusqu’au XIXe siècle inclus pour être radicalement remise en cause au XXe siècle.


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