Dans la mythologie grecque, le Parnasse était la montagne d’Apollon, dieu de la clarté, et des Muses, inspiratrices des poètes. Le groupe d’artistes qui s’y réfère en publiant un recueil intitulé Le Parnasse contemporain (1866) marque ainsi son attachement à l’Antiquité classique et son éloignement du romantisme.

Le terme de décadentisme ou de décadisme fut d’abord attribue par mépris aux poètes marginaux de la fin du siècle, puis repris par eux-mêmes comme une épithète louangeuse.

En 1886, le décadentisme prend le nom de symbolisme, moins négatif. Mais si l’école symboliste ne se constitue qu’à la fin du siècle, l’idéalisme et les valeurs du symbolisme sont déjà présents dans la littérature depuis Baudelaire et Nerval et constituent ce qu’on appelle alors le mouvement symboliste.

I. Le Parnasse

1. La réaction contre le romantisme

Leconte de Lisle (1818-1894), accablé par l’échec de la lie République, se détourne des enthousiasmes inefficaces du romantisme pour se consacrer au culte de la Beauté pure. D’autres poètes le rejoignent, constituant le groupe de ceux qu’on baptisera après 1866 les Parnassiens.

2. L’union de l’art et de la science

L’attitude de Leconte de Lisle rejoint, dans le domaine poétique, les préoccupations des réalistes. C’est à l’aide d’une documentation fournie qu’il tente de ressusciter, dans ses Poèmes antiques (1852) et ses Poèmes barbares (1862), la manière de penser des races anciennes. L’art de José Maria de Heredia (1842- 1905) est tout aussi érudit et délibérément tourné vers l’histoire dans son recueil des Trophées (1893). Allant plus loin encore dans ce souci d’unir la science à l’art, Sully Prudhomme (1839-1907) entreprend d’évoquer dans la poésie les avancées de la technique moderne.

II. Le décadentisme :

1. L’idée de décadence

Elle se développe en France après la défaite de 1871. À rebours des valeurs de progrès affichées par un siècle positiviste, l’idée que l’Occident est entré en décadence fascine les poètes les plus idéalistes. Loin d’être une crainte, la décadence est perçue comme une époque particulièrement favorable à l’art, parce que les artistes s’enrichissent enfin de tout ce qui les a précédé. «Je suis l’Empire à la fin de la décadence » proclame Paul Verlaine (1844-1896) avec fierté.

2. La réaction contre le naturalisme

Alors que Zola soutenait la nécessité pour l’écrivain d’être l’expression même de son époque, le personnage de Des Esseintes créé par Huysmans défendait au contraire le rôle marginal et à contre-courant de l’artiste. La bibliothèque imaginaire de ce duc misanthrope ne contenait précisément que des « maudits» : Barbey d’Aurevilly, Mallarmé, Verlaine, Rimbaud, autant de noms encore méconnus du public que le roman de Huysmans contribue à rendre célèbres.

3. Le goût du déviant

Le goût du macabre, la fascination pour les névroses, qui vont caractériser le décadentisme, sont déjà présents dans le naturalisme . Mais ce dernier en faisait l’objet d’une observation prétendument scientifique et distante. Arthur Rimbaud (1854-1891) glorifie au contraire le « dérèglement de tous les sens» comme la source même de l’inspiration poétique. Le style même des décadents, alliant termes rares et langue familière, pessimisme et ironie cinglante, formes classiques et syntaxe décomposée, devient un dérèglement de la langue, un mélange étrange des genres. Jules Laforgue (1860-1887), mort à vingt-sept ans, est la plus pure expression de ce pessimisme dissimulé derrière un humour désinvolte.

4. « Il faut être voyant»:

Ainsi s’exclame Rimbaud. Le poète rejette le culte de la science, religion des Parnassiens et des naturalistes, pour retrouver sa fonction, toute romantique, de prophète. Tandis que Parnassiens et naturalistes s’enferment dans l’autopsie du passé, le symboliste sera celui qui voit l’avenir et l’ailleurs.

III. Le symbolisme

La notion de décadentisme restait trop négative. En 1886, Jean Moréas (1856- 1910) publie un manifeste du mouvement qu’il baptise symbolisme en référence à un vers de Baudelaire : « L’homme y passe [dans la nature] à travers des forêts de symboles / Qui l’observent avec des regards familiers ».

1. L’influence de Baudelaire :

Romantique de tempérament Fiche 6, Baudelaire (182 1-1867) déploie dans Les Fleurs du Mal (1857 et 1861) sa double fascination pour la beauté du Mal et l’appel de l’idéal. Son dandysme, son goût du morbide et sa haine de la nature annoncent déjà le décadentisme. Ses théories esthétiques, hostiles au naturalisme et cherchant à trouver dans la vie quotidienne des symboles et des allégories de vérités spirituelles, inspirèrent les symbolistes.

2. La création d’un nouveau langage

Il faut décomposer la syntaxe ordinaire, rendre le poème obscur, presque inintelligible. La compréhension du poème devra passer par des retours en arrière, un approfondissement de ses symboles, un abandon à la simultanéité de sensations diverses. Le lecteur doit renoncer à l’idée d’un sens unique. C’est sans doute Stéphane Mallarmé (1842-1898) qui va le plus loin dans cette décomposition de la syntaxe traditionnelle.

3. Une poésie du mystère

Renonçant ainsi à la clarté, la poésie usera du symbole pour dépasser les apparences et renvoyer à des vérités invisibles et pressenties. Lautréamont (1846- 1870), mort à vingt-quatre ans, dont les obsessions métaphysiques s’expriment à travers des symboles cauchemardesques, fut regardé par les surréalistes comme un précurseur.