Un roi sans divertissement : résumé du roman

Première partie : 

L’action se déroule de 1843 à 1847 dans un village anonyme du Dauphiné au centre duquel se dresse un hêtre magnifique. Durant l’hiver, alors que le village enneigé est coupé du monde, une femme disparaît sans que l’on puisse découvrir son ravisseur : le mystère perdure et l’incident est finalement oublié.

Or, un dimanche, à l’heure de la messe, un homme est attaqué : l’agresseur tente de l’étrangler mais la victime appelle à l’aide et son père accourt, tire un coup de fusil, mais n’a que le temps d’apercevoir une silhouette qui s’enfuit. Ils trouvent ensuite dans l’étable un cochon tailladé baignant dans son sang. La peur gagne alors le village tout entier. Pourtant, rien n’advient jusqu’à l’hiver suivant où, cette fois, un homme est la victime de l’assassin ; des gendarmes investissent alors le village sous le commandement du capitaine Langlois, un homme mûr qui a connu la guerre en Algérie. Il organise en vain des recherches, au moment où le plus rusé des villageois disparaît à son tour.

Mais, un matin, Frédéric II (ainsi nommé parce qu’il est le second de la dynastie des Frédérics, qui se succèdent de père en fils à la tête de la scierie du village) avise un inconnu qui descend du hêtre du village ; il y grimpe à son tour et découvre, parmi les ossements, le cadavre d’une villageoise. Il décide alors de suivre l’individu qui parcourt les collines enneigées jusqu’au village de Chichilianne où il demeure. Frédéric apprend ainsi son nom : M. Y. Il retourne derechef au village pour en informer Langlois qui va alors abattre l’assassin.

Langlois a désormais démissionné et s’est installé au village. Pour débarrasser la contrée d’un loup qui rôde, il organise une gigantesque battue et traque longuement l’animal. L’ayant enfin acculé à une falaise, il l’abat, comme M. V., de deux coups de pistolets dans le ventre. 

Deuxième partie 

La dernière partie introduit dès l’abord trois nouveaux personnages : une ancienne prostituée surnommée Saucisse, qui fait office de narrateur, une vieille bourgeoise d’origine mexicaine, Tim, et un procureur bedonnant. Accompagné des deux femmes, Langlois rend visite à la veuve de M. V. pour en savoir plus sur la personnalité de l’assassin. Au retour, il s’enfonce dans une solitude taciturne que ne peut égayer la fête donnée par Tim en son château. Langlois habite désormais un bungalow dont le jardin a des allures de labyrinthe. C’est alors qu’il demande à Saucisse de lui trouver une femme ; elle fait ainsi venir de Grenoble la sémillante Delphine mais, deux mois plus tard, après avoir saigné une oie, Langlois se suicide en fumant une cartouche de dynamite, laissant Delphine et Saucisse rabâcher une histoire dont le sens demeure obscur.

Analyse de Un roi sans divertissement 

► L’intrigue du roman

À première vue, le roman débute comme un récit policier, mâtiné de fantastique, empruntant les ressorts propres au genre (assassinats en série, brutalité sauvage d’un coupable impossible à identifier, disparition des cadavres), mais l’intrigue semble se clore avec la première partie, et désoriente ainsi le lecteur. C’est sans doute qu’il faut ici saisir un déplacement de l’intrigue de l’extérieur vers l’intérieur, c’est-à-dire du crime commis à la volonté de meurtre que le sujet découvre en lui. En effet, par le meurtre qu’il commet, redoublé par celui du loup, Langlois découvre qu’il est lui-même devenu l’Autre, celui qu’il a tué, qui est d’ailleurs si peu individualisé qu’il n’a pas même de véritable nom, mais seulement des initiales, comme s’il pouvait ainsi plus librement désigner un autre. Lors de sa visite à la veuve, Langlois comprend que M. V. tuait pour se désennuyer, comme lui lorsqu’il tue le loup, et que le Mal, symbolisé par l’assassin et l’animal sauvage, n’est pas à l’extérieur mais bien en lui-même. Le thème de la folie, symbolisé par le leitmotiv des traces de sang sur la neige, s’insinue souterrainement dans le texte en manifestant une constante de l’être ; sous le masque fallacieux de la Loi qui l’autorisait à tuer, Langlois prend conscience d’une autre loi, plus obscure, qui dévoile son désir de meurtre. Le lecteur est ainsi amené à reconstituer la citation de Pascal : « Un roi sans divertissement est un homme plein de misère », pour saisir la clef du roman en son sens ontologique : il pourra alors pénétrer l’intrigue véritable du suicide de Langlois, qui refuse le divertissement (mariage, fête avec ses amis, travail et même meurtre), et devient lui-même ce Minotaure (sa maison constitue en effet un labyrinthe) qu’il aura, comme Thésée, le courage ultime de mettre à mort.

► Le problème du « réalisme » de Giono

Un Roi sans divertissement constitue le roman initial de ce que Giono nomme ses Chroniques qui instaurent un nouveau type d’écriture rompant avec le cadre volontiers symbolique des œuvres d’avant-guerre. Ici, le chronotope (temps et espace du récit selon Bakhtine) se veut plus précis : l’époque est clairement définie et la géographie exacte, au point que l’on peut avancer que le village anonyme est Lalley. De même, le centre du récit se déplace de la nature vers l’homme et son action dans la société, empêchant de lire le roman selon une grille exclusivement métaphorique. Ainsi, le motif du hêtre abritant symboliquement la Création se trouve violemment rabattu vers un réalisme noir, lorsque l’on comprend qu’il constitue une morbide réserve de nourriture pour les animaux qui y vivent. Dès lors, la recherche du personnage majeur, l’éclatement narratologique d’un texte qui demeure en suspens et le traitement non conventionnel de la psychologie des protagonistes n’autorisent nullement à conclure à un réalisme véritable, ni même à rapprocher Giono des romans fleuves de la première moitié du XXe siècle, mais invitent plutôt à attirer l’attention sur la manière dont il fait vaciller la frontière entre réel et imaginaire, afin de camper un personnage emblématique du rapport de l’homme au sens, à travers l’existence en soi d’une pulsion de violence qui s’inverse en autodestruction. L’emploi récurrent du présent confère alors précisément au roman l’aspect d’une chronique, oscillant entre le genre des annales et l’atemporalité du mythe, qui permet de saisir dans la « réalité » du roman une constante de la psyché humaine.

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