Le terme de romantisme renvoie, au XVIIe siècle, à l’esthétique sans règle du roman. Il se charge d’une nuance péjorative qui en fait un synonyme du mot baroque. Au XVIIIe siècle, les préromantiques, comme Rousseau, l’emploient dans un sens positif, celui de « pittoresque ». Dans les premières années du XIXe siècle, le mot renvoie en Angleterre et en Allemagne à un mouvement littéraire, Il prend alors ce sens en France et s’oppose directement au terme de classicisme. On ne s’étonnera donc pas d’observer certaines similitudes entre les esthétiques baroques et romantiques.

 

I. Les causes du romantisme

 

1.  Les influences anglaise et allemande

Le romantisme apparaît au cours du XVIIIe siècle comme une réaction patriotique contre l’influence du classicisme français. On exalte Shakespeare contre les tragédies à la française. Coleridge reprend de vieilles balades anglaises (1798); les frères Grimm publient des contes populaires allemands (1812). Et pourtant, l’influence de Jean-Jacques Rousseau et du préromantisme français est considérable sur Goethe comme sur la plupart des romantiques allemands et anglais.

2. La Révolution et l’Empire

La retenue du classicisme ne convient plus à exprimer les passions allumées durant la Révolution et les guerres napoléoniennes. Nombre de jeunes gens exaltés par le modèle des héros révolutionnaires ou des généraux d’Empire, rêvant de gloires fulgurantes, ne parviennent pas à s’acclimater au retour au calme de la Restauration (1815-1830) puis de la Monarchie de Juillet (1830-1848). Musset analyse, dans La Confession d’un enfant du siècle (1836), ce malaise, qu’on baptise le mal du siècle: l’homme se sent pris d’angoisse à vivre sa vie sans but ni raison.

D’autre part, les troubles politiques ont jeté nombre d’écrivains, comme Chateaubriand ou Madame de Staël, sur les routes d’Europe, leur faisant côtoyer les modèles anglais et allemands. C’est en Angleterre que Chateaubriand rédige, en 1798, le Génie du christianisme, où il condamne l’esthétique classique et l’esprit de Voltaire, tout en exaltant les natures sauvages qu’il a rencontrées en Amérique ou l’audacieuse élévation des cathédrales. En 1813, Madame de Staël oppose, dans De l’Allemagne, le romantisme du Nord au classicisme du Midi, invitant les Français à préférer le premier au second.

 

II. Les caractéristiques du romantisme

 

1. Le refus des règles

La Révolution avait trop profondément bouleversé la société française pour qu’il fût possible de conserver les règles strictes du classicisme. « Le romantisme, c’est le libéralisme en littérature » clame Victor Hugo dans la préface d’Hernani en 1830. Rejetant les trois unités du théâtre classique et s’inspirant du drame bourgeois de Diderot, il crée le drame romantique et revendique, dans sa Préface de Cromwell (1827), le mélange des genres comique et tragique.

2. La solitude du moi

Contre la pudeur classique, visant l’universel et se méfiant du singulier, le romantisme est au contraire une quête des spécificités. Le lyrisme devient le registre par excellence du romantisme. Les Méditations poétiques de Lamartine (1820) ouvrent la voie aux Nuits de Musset (1835-1837) et aux Contemplations de Victor Hugo (1856). Le héros romantique est souvent un génie incompris, comme le Chatterton de Vigny (1835), ou un exilé maudit comme l’Hernani de Victor Hugo (1830).

3. La nostalgie du passé

Comme en Allemagne ou en Angleterre, le Moyen Âge est redécouvert et glorifié par les romantiques. Victor Hugo en tire Notre-Dame de Paris en 1831. Mais la Renaissance inspire également Musset, qui situe son Lorenzaccio (1834) dans la Florence des Médicis. Quant à Alexandre Dumas (1802-1870), ses 257 romans historiques évoluent aussi bien dans le XVIe siècle de La Reine Margot que dans la Franco de Richelieu avec Les Trois Mousquetaires.

4. L’exotisme et la couleur locale

Avide d’une nature sauvage et grandiose où la présence d’un Créateur se ferait peut-être davantage sentir, le romantisme exalte les paysages exotiques, comme ceux d’Amérique que Chateaubriand décrit dans Atala (1801). Victor Hugo publie des Orientales en 1829 et Gérard de Nerval conte ses souvenirs de Voyage en Orient (1851). Hugo cherche encore la couleur locale espagnole dans Hernani(1830) ou Ruy Blas (1838), tout comme Prosper Mérimée avec Carmen (1845).

5. Le mystère et le fantastique

Fuyant les clartés du rationalisme, le romantisme retrouve le goût du rêve et de l’imaginaire. Avec La Vénus d’llle (1837), Mérimée lance le genre de la nouvelle fantastique, suivi par Nerval avec Sylvie (1854) et Aurélia (1855).

6. Le goût de la mort

La mort même est un voyage vers l’inconnu plus qu’une fin redoutée. Le héros du René de Chateaubriand (1802) exprime sans retenue son impatience de mourir. C’est aussi là l’aspect le plus romantique peut-être de Baudelaire qui retrouve, dans certains poèmes des Fleurs du mal (1857), comme « La charogne » ou « Le mort joyeux », des accents baroques.

7. Le renouveau du roman

Rien d’étonnant à ce que le roman, lié par son étymologie au romantisme, devienne rapidement l’un des genres les plus prisés du XIXe siècle. Stendhal (1783-1842) et Balzac mêlent déjà aux sentiments romantiques de leurs héros un souci de vérité dans leurs descriptions de la société, préparant ainsi l’éclosion du roman réaliste. Victor Hugo parviendra même à faire durer le roman romantique en pleine période réaliste avec Les Misérables (1862) ou L’Homme qui rit (1869).