Le terme de Lumières rappelle le concept cartésien de clarté . La source de clarté s’est simplement déplacée : ce n’est plus le Roi-Soleil qui constitue le centre unique de rayonne ment des arts et des lettres, il existe désormais de multiples salons où gravitent de nombreux philosophes pré tendant apporter leurs lumières aux princes européens et substituer des monarchies éclairées aux monarchies absolues.

I. Un siècle libertin

1. L’exemple des grands

Sous l’influence de Madame de Maintenon, une atmosphère d’austérité et de piété règne à Versailles jusqu’à la mort de Louis XIV. Philippe d’Orléans devient alors Régent et s’entoure des « roués », ses compagnons de débauche. Maîtresses et favorites se succéderont également sous Louis XV.

2. La littérature libertine

L’épicurisme1 de la cour fait école. Voltaire le loue dans Le Mondain (1736). Les Egarements du cœur et de l’esprit (1736-38) et Le Sopha (1742) de Crébillon sont tout aussi licencieux que Les Bijoux indiscrets (1748) de Diderot. L’œuvre du marquis de Sade pousse jusqu’à l’extrême cette logique du plaisir, donnant son nom au « sadisme » il faut, selon lui, suivre la loi de la nature, qui est la loi du plus fort. Pourtant, les excès du libertinage font l’objet de critiques de plus en plus fréquentes, et Les Liaisons dangereuses (1782) de Choderlos de Laclos montrent les « roués » punis par les effets de leurs propres vices.

II. La liberté de pensée

1. L’anticléricalisme

Aux yeux de Fontenelle (1657-1757), la religion véhicule quantité de croyances qualifiées d’obscurantistes parce qu’elles viennent contrarier les exigences de clarté de la raison. Si Voltaire est déiste (il croit en un Dieu créateur qui se désintéresse du monde), toute son œuvre multiplie les satires des religions, quelles qu’elles soient. L’athéisme de Diderot s’accompagne aussi d’un anticléricalisme souvent virulent, comme dans La Religieuse (1760).

2. La satire sociale et politique

Continuateurs des moralistes, mais davantage tournés vers les travers de la société que vers l’individu, les philosophes du xviii siècle savent ironiser sur les mœurs de leur temps dans des satires savoureuses telles que les Lettres persanes (1721) de Montesquieu Candide (1759) de Voltaire ou le Neveu de Rameau (1661 1671) de Diderot Le théâtre dont le public est désormais plus bourgeois qu’aristocratique, prête également sa scène à des attaques parfois hardies, surtout à l’approche de la Révolution : c’est le cas notamment du Barbier de Séville(1775) et du Mariage de Figaro (1784) de Beaumarchais.

3.  La réflexion philosophique

Si la critique reste le sport préféré des Français, les Lumières produisent également nombre d’ouvrages plus constructifs. Avec l’Esprit des lois (1748), Montesquieu attaque l’esclavage et défend la séparation des pouvoirs. Dans son Discours sur les sciences et les arts (1750), Jean-Jacques Rousseau soutient que les progrès de la civilisation n’ont fait que corrompre les hommes, pourtant bons à l’état naturel. Il défend l’idée d’une éducation qui préserverait l’enfant de tout contact avec la société (L’Émile, 1762). Ce retour à la nature sera également célébré par Sade, mais pour Rousseau, la nature est bonne, alors que pour Sade, elle justifie le mal. Dans son essai Du contrat social (1762), Rousseau démontre qu’un Etat doit reposer sur un contrat librement passé entre ses membres. La plupart des philosophes contribuent, par leurs articles, à faire de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1717-1783) autant une œuvre scientifique majeure qu’un ouvrage engagé.

III. Le préromantisme :

1. La sensibilité

En réaction contre un libertinage de mœurs jugé cynique et aristocratique, on loue la sensibilité des âmes vertueuses et l’on n’hésite pas à épancher ses pleurs. Le chevalier Des Grieux dans Manon Lescaut (1731) de l’abbé Prévost doit interrompre à maintes reprises son récit pathétique, pris de larmes. On retrouve la même émotion chez Diderot et surtout Rousseau, dont La Nouvelle Héloïse (1761) a profondément contribué à préparer les mentalités au romantisme du siècle suivant.

2. De la comédie au drame

Alors que les comédies de Marivaux (1688-1763) font encore triompher le raffinement du langage amoureux, qui sait allier légèreté et sincérité des sentiments, Diderot crée un nouveau genre, le drame bourgeois, qui doit susciter les émotions des spectateurs en leur présentant des personnages contemporains confrontés à des situations pathétiques.

3. L’appel de la nature

Sous l’influence de Rousseau, le goût pour une nature sauvage et exotique se développe. Aux jardins à la française du siècle précédent on préfère l’impression de naturel des jardins à l’anglaise. En situant la passion juvénile de Paul et Virginie (1788) dans la végétation luxuriante de l’île de France (l’île Maurice), Bernardin de Saint-Pierre ouvre la voie au romantisme de Chateaubriand.